dimanche 15 mai 2011

Can’t buy me freedom, can’t buy me peace

C’est une vielle histoire que je m’en vais vous conter, mais qui s’écrit malheureusement au présent :
celle de la colonisation.
Elle s’inscrit dans les sillons de blessures toujours ouvertes, comme l'abattage systématique des chiens de traineau inuits (véritable enjeu de survie pour ce peuple) par la Gendarmerie Royale du Canada dans les années 1950 et 1960. Elle se dote aujourd’hui d’outils médiatiques et d’un vernis écologique et social qui sonnent faux dès que l’on y regarde de plus près.

Au Québec, pour les années à venir, elle porte un nom: le Plan Nord.
Sa présentation par le premier ministre du Québec, Jean Charest, le 9 mai dernier a été boycottée par cinq communautés amérindiennes.

"Le premier ministre n’a jamais donné suite à ses promesses et continue à nier nos droits ancestraux. Comment le croire aujourd’hui, lorsqu’il promet à nouveau de tenir compte des Premières Nations dans le déploiement du Plan Nord?" a déclaré Ghislain Picard, le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. (Journal de Montréal, le 9 mai 2011)
La société Makivik, fondée en 1975 pour administrer les fonds issus de la Convention de la Baie de James, déclare pourtant espérer des retombées intéressantes pour le Nunavik. Les Inuits, qui se différencient en beaucoup des points des autres Premières Nations du Québec, veulent négocier. Sur les logements sociaux, la préservation de la biodiversité, les emplois… C’est vrai que la situation sociale des Inuits du Nunavik est dramatique.

Mais que penser lorsque les économistes eux-mêmes s’interrogent? Pour le Plan Nord on annonce 14 milliards de dollars de revenus. Mais qui en profitera vraiment? La nécessaire révision de la Loi sur les mines se fait attendre.
 
"La Loi sur les mines du Québec repose sur le principe du free mining - exploitation minière libre - importé directement du Far West américain au XIXe siècle. Ce principe colonial donne à l’entreprise privée un accès libre au patrimoine minier du Québec. Libre de toutes contraintes sociales et environnementales et pratiquement libre de tout contrôle gouvernemental (…) Une loi qui permet à nos gouvernants de livrer une richesse collective à des entreprises privées pour un plat de lentilles. Les lentilles, ce sont les « jobs de porteurs d'eau » considérés par des gouvernants paresseux comme un moyen facile de combattre les chômage régional." (Jacques B. Gélinas, le 13 septembre 2010 sur www.alternatives.ca)

Un plan pour faciliter la tâche des entreprises minières en achetant la paix avec les autochtones contre un peu de poudre aux yeux? Ça y ressemble fort.

Depuis l’automne 2008, le prix du fer est en hausse de 194%, celui de l’or de 94% et celui du nickel de 167%. (Gérald Fillion sur Radio Canada)

Les exploitants miniers pourraient donc bénéficier des infrastructures payées par les contribuables du Québec pour exploiter des ressources en s'octroyant les principales retombées financières, sans aucune obligation de dépollution des sites après leur passage.
 Entre temps, le gouvernement fédéral "a mis fin à un programme de financement du transport des denrées vers le Grand Nord. Les prix ont explosé depuis: un contenant de 1,36L de jus de tomate se vend maintenant 8,51$ à Kuujjuaq, par exemple(…) Une nouvelle flambée des prix est appréhendée." (Tommy Chouinard dans La Presse du 2 mars 2011)

Les prix des denrées de première nécessité grimpent au Nunavik. Nombreux sont les enfants qui ne mangent pas à leur faim. Dans les écoles, on distribue quotidiennement des collations aux élèves. 

En réponse aux légitimes inquiétudes que cette situation soulève, on fait miroiter la construction de logements sociaux prévus dans le Plan Nord.

Mais ils sont en nombre insuffisant et, surtout, pour moitié destinés à l’achat. Quand on connaît le prix des maisons on voit parfaitement qu’aucun Inuit ne pourra s'en procurer.
 
Le doute n’est donc plus permis : il s’agit bien d’attirer des nouveaux colons vers ce Nord où l’on trouve les plus vieux rochers du monde!