mardi 24 mai 2011

Nakurmik, merci!



Je suis de retour en France.

Si le voyage est terminé, mon projet ne fait que commencer. J'ai envie de dessiner et d'écrire sur toutes les impressions fortes que ce séjour m'a laissé et dont les pages qui précèdent ne témoignent que 
 partiellement.

Et parce que le Nord, c’est aussi la solidarité et l’entraide communautaire, j’ai envie de remercier les personnes qui m’ont permis de faire ce beau voyage.

En premier lieu, mes pensées vont aux enseignants formidables (et à leurs conjoints) qui m’ont accueilli avec tant de générosité et dont le travail quotidien, les convictions et l’engagement envers les Inuits et le territoire du Nord m’ont rendu optimiste pour l'avenir. Avec eux, il est permis de rêver!

Merci donc à: Janie, Marie-Christine, Nicolas, Laura, Marc-André, Mariève, Pierre-Luc, Carolle, Patrick, Stéphane et son fils Cédryck. Merci à Mathieu de Kuujjuaq. À Tommy, Dallacy, Lizzie et Nathalie.

Merci aux fées qui ont soutenu ce projet dès les premiers instants: Anne-Lorraine et Bérangère.

Merci aux alliés aquitains: Lucie et Eric.

Merci aux marraines qui m’ont donné les bonnes cartes pour trouver mon chemin: Bruna M., Martine D. et Florence M.

Merci aux gars de la construction de Kangirsuk, qui m’ont pris sous leur aile, en particulier à Dany…

Merci aux géologues rêveurs: Charles et Mireya. Et à Eddie, l’ami des artistes!

Merci aux amis: Hoka, Aïda, Laure, Joséphine, Camille, Philippe G., Thomas-Louis, Michel. Mais aussi à Philippe J., Yannick et Patricia!

Merci aux petits lutins du retour: Anne et Zviane.

Et un merci tout particulier à Tavity…

Je reviendrai!

mercredi 18 mai 2011

Le rêve blanc

J’avais à peu près l’âge de cette photo lorsque je fis pour la première fois le "rêve blanc".  
Je l'appelle comme cela parce que j’ai fait ce rêve plusieurs fois, y compris à l’âge adulte.
 
"Je dois partir. Je dois y aller impérativement, là-bas, à pied ou en volant. C’est au bout d’un territoire, c’est à l’extrême Nord.

Quand je vole, je survole une carte, il y a beaucoup de cours d’eau, de frontières faites de rivières que je dois traverser.

Quand j’y vais à pied, il y a des portes ou des ponts, mais pas de murs. Seulement des niveaux tracés au sol.

Au bout de la route, il y a une terre de grands froids, car il y a une terre au pôle nord! Et, là-bas, il y a une étoile.

Je ne suis pas la seule à y aller, mais nous ne sommes pas très nombreux non plus. Là-bas, c’est le lieu où vont tous les rêves des hommes. Je sens une grande joie en me mettant en route."

mardi 17 mai 2011

La vérité nue

Est-ce le dénuement des paysages arctiques et la lumière crue qui rendent toutes les choses tellement plus saillantes dans le Grand Nord?

Les réflexions qui me sont venues ou celles que j'ai entendu durant mon voyage parlent de retour aux choses essentielles, de fatalité et de sentiments extrêmes.

En voici quelques unes, pêle-mêle…
 
"Le Nord, c’est la liberté." 
"C'est un laboratoire social." 
"Un monde parallèle." 
"C’est le paradis et l’enfer mêlés." 
"Quand la toundra te prend, la solitude vient avec." 
 
 "Nous ne pouvons pas revenir à notre ancien mode de vie inuit et nous ne pouvons pas vraiment avancer. Nous devons faire avec cette réalité-là." 
 
"C’est à la périphérie du monde industriel que nous voyons les ravages qu’il produit." 
 
"Si on ne sais pas les choses d’ici, on ne survit pas."
  
"Ecouter les anciens c’est tout ce qu’il reste quand on n’a plus rien." 
 
"On ne peut pas vivre l’expérience du Nord à 30%. Il faut la vivre à 100% et accepter la renaissance qui vient avec l’abandon de tout ce que l’on a laissé derrière soi."
  
"Quand je regarde la télévision et vois toute cette violence dans le monde, je me dis que nous, les Inuits, nous avons la chance d’être loin de tout ça. Ici, nous avons seulement nos petites histoires."


lundi 16 mai 2011

Le cadeau

Il fait un temps splendide en ce dimanche 15 mai.
Et me voilà doublement chanceuse! La veille, le responsable de l’Oceanic Iron Ore Company (qui fait des recherches à Aupaluk dans le but de rouvrir la mine de fer) me propose d’accompagner deux géophysiciens et leur guide inuit dans leur prospection quotidienne. À la clé: un aller-retour en hélicoptère et une marche sportive dans la neige… Nous devons quadriller environ 12 km en quatre heures.

Avec Tavity (David), le rangers inuit, nous suivons les deux géologues de loin. La consigne: ne jamais les perdre de vue. Tavity est armé d’un fusil à plomb, pas forcément le genre d’arme qui fait le poids face à un ours polaire, mais je me sens en parfaite sécurité à ses côtés. 
"As-tu eu toutes les informations dont tu as besoin où veux-tu encore savoir quelque chose?" Tavity  est particulièrement prévenant avec moi. Il veut tout m’expliquer: la vie à Aupaluk, ce qu’il faut savoir pour survivre dans la toundra et, surtout, il veut que je reparte avec une idée juste des Inuits qu’il ne faut surtout pas confondre avec les Amérindiens…

 "Il était une fois une vieille femme qui vivait à l’époque où les aïeuls devaient suivre le traineau familial à pied quand ils étaient devenus inutiles au groupe. Restée un peu en arrière des autres, la vieille femme voit arriver un ours blanc qui lui tourne autour pour l’étourdir. Mais la vieille femme n’est pas déstabilisée pour autant et prend sa moufle qu’elle enfile au bout de sa canne. Lorsque l’ours arrive sur elle en ouvrant la gueule, penchant sa tête sur le côté comme le font les ours qui attaquent, la vieille enfonce le gant dans la gorge de la bête qui meurt étouffée. La famille aura ainsi à manger pour tout l’hiver et la vieille femme aura le droit de voyager sur le traineau à nouveau."

Tavity me regarde: "les Blancs ne croient pas à ces histoires!"
"Les Blancs ont tort, Tavity… Les histoires, ce n’est pas fait pour y croire ou non, c’est fait pour raconter quelque chose, et cela nous est aussi indispensable que toutes les autres choses indispensables dans la vie." 

 "Les pierres nous racontent des choses aussi, précise Tavity. Par exemple, elles nous indiquent les directions. Il ne faut jamais se fier à la neige fraîche. En revanche, la neige plus ancienne qui s’est accumulée au pied d’une pierre et forme une petite bosse, indique d’où vient le vent. Or, le vent souffle toujours vers l’Ouest ou le Nord-Ouest. Quand on est perdu ou que la visibilité est faible, c’est comme cela que l’on s’oriente."

Intarissable, Tavity m’enseigne les choses essentielles que je dois savoir. Nous philosophons de concert en traversant de part en part cette étendue d’un blanc pur appelée le "lieu de rencontre" par les Inuits, car l’horizon y est plus dégagé qu’ailleurs. Tavity décèle une quantité de choses que je suis incapable de voir: des pistes de ski-doo que la neige a déjà partiellement recouvert, des dénivelés quasi imperceptibles qui lui servent de points de repère, un changement dans la texture du sol qui indique que nous marchons sur la terre ferme ou sur un lac glacé.

 Il n’y a presque pas de vent et il fait encore assez froid pour que nous puissions marcher dans la neige sans raquettes. Une petite brise à raz-du-sol chasse les flocons qui brillent comme un millier d’étoiles.
 
"Et les ookpik (le harfang des neiges en inuktitut) où puis-je en voir?" Tavity m’explique qu’ils ne sont visibles qu'au milieu de l’hiver, en janvier/février. "Il y en a eu beaucoup cette année à Aupaluk, me précise-t-il."

Je remonte dans l’hélicoptère sans avoir perdu une miette de tout ce que Tavity m’a raconté en quatre heures. De quoi noircir plusieurs pages de mon carnet. "Tu devrais revenir en juin, me propose-t-il. C’est à ce moment-là que nous chassons le béluga. Le lieu où nous nous rendons est un ancien camps de survie d’hiver où l’on trouve des vestiges des Inuits qui vivaient-là il y a des milliers d’années." 

Nous volons si bas que j’ai l’impression de courir sur le sol. Sur la banquise, des phoques se prélassent au soleil parfaitement alignés le long des failles dans la glace. Quand nous arrivons à proximité d’eux, ils plongent tour à tour dans leur trou…

C’est l’un des plus beaux jours de ma vie.

dimanche 15 mai 2011

Can’t buy me freedom, can’t buy me peace

C’est une vielle histoire que je m’en vais vous conter, mais qui s’écrit malheureusement au présent :
celle de la colonisation.
Elle s’inscrit dans les sillons de blessures toujours ouvertes, comme l'abattage systématique des chiens de traineau inuits (véritable enjeu de survie pour ce peuple) par la Gendarmerie Royale du Canada dans les années 1950 et 1960. Elle se dote aujourd’hui d’outils médiatiques et d’un vernis écologique et social qui sonnent faux dès que l’on y regarde de plus près.

Au Québec, pour les années à venir, elle porte un nom: le Plan Nord.
Sa présentation par le premier ministre du Québec, Jean Charest, le 9 mai dernier a été boycottée par cinq communautés amérindiennes.

"Le premier ministre n’a jamais donné suite à ses promesses et continue à nier nos droits ancestraux. Comment le croire aujourd’hui, lorsqu’il promet à nouveau de tenir compte des Premières Nations dans le déploiement du Plan Nord?" a déclaré Ghislain Picard, le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador. (Journal de Montréal, le 9 mai 2011)
La société Makivik, fondée en 1975 pour administrer les fonds issus de la Convention de la Baie de James, déclare pourtant espérer des retombées intéressantes pour le Nunavik. Les Inuits, qui se différencient en beaucoup des points des autres Premières Nations du Québec, veulent négocier. Sur les logements sociaux, la préservation de la biodiversité, les emplois… C’est vrai que la situation sociale des Inuits du Nunavik est dramatique.

Mais que penser lorsque les économistes eux-mêmes s’interrogent? Pour le Plan Nord on annonce 14 milliards de dollars de revenus. Mais qui en profitera vraiment? La nécessaire révision de la Loi sur les mines se fait attendre.
 
"La Loi sur les mines du Québec repose sur le principe du free mining - exploitation minière libre - importé directement du Far West américain au XIXe siècle. Ce principe colonial donne à l’entreprise privée un accès libre au patrimoine minier du Québec. Libre de toutes contraintes sociales et environnementales et pratiquement libre de tout contrôle gouvernemental (…) Une loi qui permet à nos gouvernants de livrer une richesse collective à des entreprises privées pour un plat de lentilles. Les lentilles, ce sont les « jobs de porteurs d'eau » considérés par des gouvernants paresseux comme un moyen facile de combattre les chômage régional." (Jacques B. Gélinas, le 13 septembre 2010 sur www.alternatives.ca)

Un plan pour faciliter la tâche des entreprises minières en achetant la paix avec les autochtones contre un peu de poudre aux yeux? Ça y ressemble fort.

Depuis l’automne 2008, le prix du fer est en hausse de 194%, celui de l’or de 94% et celui du nickel de 167%. (Gérald Fillion sur Radio Canada)

Les exploitants miniers pourraient donc bénéficier des infrastructures payées par les contribuables du Québec pour exploiter des ressources en s'octroyant les principales retombées financières, sans aucune obligation de dépollution des sites après leur passage.
 Entre temps, le gouvernement fédéral "a mis fin à un programme de financement du transport des denrées vers le Grand Nord. Les prix ont explosé depuis: un contenant de 1,36L de jus de tomate se vend maintenant 8,51$ à Kuujjuaq, par exemple(…) Une nouvelle flambée des prix est appréhendée." (Tommy Chouinard dans La Presse du 2 mars 2011)

Les prix des denrées de première nécessité grimpent au Nunavik. Nombreux sont les enfants qui ne mangent pas à leur faim. Dans les écoles, on distribue quotidiennement des collations aux élèves. 

En réponse aux légitimes inquiétudes que cette situation soulève, on fait miroiter la construction de logements sociaux prévus dans le Plan Nord.

Mais ils sont en nombre insuffisant et, surtout, pour moitié destinés à l’achat. Quand on connaît le prix des maisons on voit parfaitement qu’aucun Inuit ne pourra s'en procurer.
 
Le doute n’est donc plus permis : il s’agit bien d’attirer des nouveaux colons vers ce Nord où l’on trouve les plus vieux rochers du monde!

Les truites du gratte ciel

Voici le rêve que je fais durant la première nuit que je passe à Aupaluk, du 9 au 10 mai.
 
C’est aussi le jour où le premier ministre du Québec, Jean Charest, présente son Plan Nord.

"Je me promène dans une ville qui vient d’être construite. D’ailleurs, il manque des trottoirs: de grandes zones avec des herbes folles séparent les buildings. Je monte à l’étage d'un gratte-ciel où, dans un bassin en béton, nagent des poissons.

Un homme bedonnant les pointe du doigt et me dit que les Inuits se nourrissent de ça et que c’est sale.

Je me mets en colère: d’après moi ce sont ces immeubles neufs qui sont condamnables et totalement inappropriés à cet endroit.

Je commence à suivre cet homme bedonnant en lui disant que la culture industrielle occidentale n’a pas de valeur universelle. L’homme est rejoint par un autre gars, tout aussi cynique et bedonnant. Ils rient dans leur barbe quand je les houspille.

Je dis que la chimère industrielle occidentale est comparable à l'idée qui veut que l’homme définisse le général et la femme le particulier. Mais j'ai du mal à me faire entendre."

samedi 14 mai 2011

Ceux des étoiles

Avant que les missionnaires n’obligent des Inuits à rejeter le chamanisme qualifié de diabolique, ces derniers ne croyaient ni au Paradis, ni à l’Enfer.

Tout dans l’Univers avait toujours existé et existerait toujours.
Quand une personne ou un animal décédait, il enlevait sa peau terrestre et se rendait au pays de esprits où il rejoignait les ancêtres.

Tirant les leçons de sa vie passée, il pouvait ensuite se réincarner.

vendredi 13 mai 2011

Les extra-terrestres de Rebel City


















Mon deuxième atelier "en chaussettes" se terminait aujourd’hui! En chaussettes, car dans les écoles du Nunavik on laisse ses bottes au vestiaire.

Dans la classe d’Alexandra il y a quatre niveaux, et comme l’école est désertée en cette période de chasse, d’autres élèves se sont joints à nous.


Les enfants ont eux-mêmes choisi le thème des extra-terrestres et je me suis orientée rapidement vers une histoire muette pour que tout le monde puisse suivre.


"Des extra-terrestres en quête de bonbons atterrissent à Aupaluk et vont chercher noise à deux enfants de l‘école: Daniel et Vélisie. Ils se font traiter de souris (l'animal le plus ridicule, d'après mon sondage)..."


Les rires fusent. Puis quelques têtes dodelinent. On s'endort sur les tables car les enfants, même les petits, jouent souvent dans la rue tard le soir.

Quelques minutes de savoureuse tranquillité et c’est le retour à l’anarchie! Les enfants se lèvent, se disputent, se mettent à jouer, réfractaires à toute forme d’autorité et de discipline. 
  
Je regarde Alexandra: et si l’extra-terrestre ici,
c’était moi?


jeudi 12 mai 2011

Recoudre les blessures

Depuis le retour des beaux jours, Aupaluk ressemble dans la journée à un campement vide.
Hommes et femmes, adultes et adolescents, profitent des migrations pour partir chasser.

 Mais il existe un lieu dans le village où les fusils sont laissés sur le seuil, où les colères ne sont pas de mise et où l’on oublie les comportements velléitaires: c’est la salle de couture communautaire. Les femmes, le plus souvent des aïeules, viennent y coudre des kamis, des mitaines, des anoraks et des tentes pour les camps d’été. 

Lizzie (qui coud précisément une tente) ponctue ses phrases d'un mélodieux murmure: "mmmmh, haaa..."

 Le bâtiment abrite aussi la radio locale et une crèche.

On y joue à des jeux de société et le jeudi on y vend des billets de bingo. Les lots vont de 100 à 1000 dollars. On peut aussi gagner un VTT.

Il y a deux jours, des personnalités importantes se sont exprimées à cette même radio pour parler des problèmes qui minent village. Les aînées veulent que les plus jeunes se prennent en main.


Il est rare que les aînées s’expriment ainsi. C’est sans doute que l’heure est suffisamment grave.


mardi 10 mai 2011

Des histoires à faire peur

Aupaluk, c’est le seul village du Nunavik construit entièrement par les Inuits, dit la carte postale.

Contrairement aux autres villages, il ne s’est pas construit à l’emplacement d’un ancien poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il a d'ailleurs été déplacé. On dit qu'il y avait eu trop de morts violentes, qui avaient fait venir trop de fantômes... Sur l'ancien site, à l’abri du vent, il y a maintenant une mine de fer.

"Rouge comme le fer qui est dans la terre et rouge comme le sang de bêtes" devrait-on écrire.

 
Aupaluk, c'est le village où se sont rassemblés tous les Inuits proscrits des autres communautés. Mais ça, c'est écrit nulle part.

Depuis mon arrivée, j'ai vu ici plus de carcasses que d’animaux vivants. Surtout dans ce frigo communautaire, où chacun peut se servir, y compris les Blancs. L’un des privilèges de ce village.


Il y a quelques semaines encore, les loups rôdaient alentours suivant les troupeaux de caribous. Un ours polaire a été tué la semaine dernière, pas très loin du village. Les restes de l’animal pourrissent à l’air libre, à deux pas de là où je réside. Même les corbeaux n’en veulent plus.

Les prospecteurs miniers sont revenus.
Le village semble brisé comme les vitres de cette salle de classe.


 
Et mes rêves sont gelés dans une sorte d'hyper vigilance. Leurs motifs sont redondants par rapport au quotidien: je rêve d'ours.

 Heureusement qu'il y a la beauté saisissante de la lune de glace et les bernaches qui arrivent avec le redoux…


 

lundi 9 mai 2011

Are you drumming?


Je pars aujourd'hui pour Aupaluk, le plus petit village du Nunavik. C'est à une heure d'avion de Kangirsuk et à six heures de skidoo. Le village se résume à une piste d'atterrissage avec une poignée de maisons, au milieu de l'immensité blanche...
Un raclement de gorge dans un grand silence.

Aupaluk veut dire "là où la terre est rouge". Le soleil brille, il fait très beau et la glace continue de fondre.

En allant demander à Tommy, l'administrateur inuit de l'école, pasteur de Kangirsuk et grand chasseur, de m'amener à l'aéroport, je vois un tambour accroché au mur de son bureau.

"Are you drumming?"

Il rougit. Non, il ne joue pas, c'est d'ailleurs plus au Nunavut que le tambour se pratique, dit-il. 

Je comprends qu'il n'a pas trop envie d'en parler, nous n'avons d'ailleurs pas vraiment le temps.

On lui aurait laissé ce tambour, l'instrument des chamanes, pour éviter que les enfants jouent avec. 

L'objet fait à la main a la taille d'une pelle à pizza et la forme d'une raquette de ping-pong. C'est une sorte de faux cuir vert qui est tendu sur la structure.

J'aurais bien aimé entendre le son qu'il fait!

dimanche 8 mai 2011

Les choses d’ici

Tout ce qui arrive au Nunavik, reste au Nunavik.

Ici, pas de recyclage, pas de tri sélectif, pas d’égouts. Les maisons, comme des petites boites en tôle et en bois, sont montées sur des cales et ne touchent pas le sol. Tous les jours de la semaine (sauf le dimanche) des citernes d’eau potable viennent remplir leurs réservoirs et vider la cuve des eaux usées.

N’envoyez pas vos cochonneries ici, elles risquent d’y faire de vieux os!

Derrières ces bicoques peintes aux couleurs vives se jouent des drames. La zone par moins cinquante. Je découvre cette réalité grâce aux récits des travailleurs sociaux ou de la police.


Les Blancs sont souvent qualifiés de "lukuapiks" (les petits parfaits) : c'est l'insulte suprême!
J’ai acheté une petite chouette en fausse fourrure à la co-op, dont les pattes, je suis sûre, sont en peau de phoque!
A la co-op on trouve aussi de la jerk d‘importation pour douze pièces. Un prix prohibitif comme tous les prix ici. Les Inuits la fabriquent eux-mêmes en faisant sécher de la viande et du poisson.


samedi 7 mai 2011

L’appel du Nord, le croquis de Charles le géologue

Voici le dessin que m'a envoyé Charles, le géologue que j'ai croisé au Salon du Livre de Québec. Il illustre un rêve que je lui ai raconté.

Je l'appelle le "rêve blanc". C'est un rêve récurrent de mon enfance et qui parle du Grand Nord. Il est revenu également à plusieurs reprises une fois adulte, comme un appel.

Charles s'est arrêté pour regarder les albums que je dédicaçais et nous avons discuté. Il parcourt le monde, ainsi que les régions sauvages du Canada, à la recherche de minerais. "Il n'y a pas grand-chose qui manque au sous-sol canadien, à part peut-être les pierres précieuses! Exception faite des diamants, bien sûr…" affirme-il.

Il m'a parlé de ses longs séjours en forêt, de l'or qui est si fluide qu'il s'effiloche dans la roche, de son éthique personnelle quand au choix de ses commanditaires (des compagnies minières et un club de millionnaires) et de l'intuition nécessaire lorsqu'on fait son métier.

L'appel du Nord, c’est l'appât du gain pour les uns, un rêve à réaliser pour les autres ou encore le désir d'une expérience professionnelle hors du commun… Ici nous sommes quelques uns à y avoir répondu!


vendredi 6 mai 2011

Pakkaluaq le papillon, amarok le loup et tuktu le caribou

C'était mon dernier jour à l'école Sautjuit de Kangirsuk aujourd'hui!

Animer un atelier de bande dessinée me semblait être la meilleure façon de m'intégrer dans cette communauté d'environ 500 personnes peu ouverte sur le tourisme. Un tourisme qui, quand il existe, est axé essentiellement sur la chasse et la pêche.


"Qui mange qui?" a d'ailleurs été la question centrale de l'histoire inventée par la classe de Marie-Christine avec qui j'ai travaillé pendant une semaine.
 
Les élèves s’appellent Alec, Monika, Suatti, Shayleen, Eva, Sarah, Saviluk et Joanna! Ils ont entre 8 et 11 ans et ont réalisé intégralement une bande dessinée de trois pages dans une langue qui leur est étrangère (l’inuktitut est leur langue maternelle, puis viennent l'anglais et le français) soit un petit exploit tout de même!

"Le papillon d’Afrique qui voulait manger les animaux du Nunavik" est une histoire pleine d'humour, où un papillon venu d'un pays lointain pense pouvoir dévorer un caribou très cool (qui écoute du rock sur son mp3 et a des tags sur ses bois) avant que ce dernier ne boive de l'eau magique et devienne très fort. Une louve vole cette eau et la donne à boire à son louveteau qui se transforme alors en géant. A la fin, tous les animaux finiront végétariens et amis!

Merci à Marie-Christine pour les photos des enfants!
Copyright sur les dessins des enfants: Commission Scolaire Kativik